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Les Carnets du vicomte

Les Carnets du vicomte

Les cours de littérature n'étant pas réservés à des jeunes gens, et mes remarques sur la langue française nécessitant d'être partagées, j'ai cru bon de les transmettre par le biais de ces carnets.


En parlant de "langage gelé"

Publié par vicomte.over-blog.com sur 11 Juin 2010, 09:25am

 

5. « En parlant de "langage gelé" » Publié(e) : jeu 27 sep 2007 19:21 CEST

En son temps, Calvin (le protestant) fustigeait les manières de parler enrouillées  de ses adversaires, et Molière, le relayant, dans la Critique de l'Ecole des Femmes faisait de même du "savoir enrouillé des pédants". Notons à ce propos que le mot pédant désignait en italien, langue à laquelle nous l'avons emprunté, le professeur : bon sujet de réflexion pour mes collègues en des temps où il est question de la modernisation de l'administration ! La métaphore de Calvin, qui n'est sans doute pas de lui, suggère que le langage est vivant et qu'il peut s'affaiblir en se figeant.

     Cette image me fait penser à un exercice poétique auquel se livrait Robert Desnos le surréaliste : la remotivation de proverbes, qu'il avait présenté avec la jolie expression de "langage cuit" : "il [y] traque les métaphores figées dont se nourrit inconsciemment la langue commune, pour, en les retournant, leur redonner valeur suggestive." (Marie-Claire Dumas, introduction à L'Aumonyme, Langage cuit in OEuvres complètes Le grand livre du mois, p. 167). Le langage est fait d'usage, il est malléable et ductile.

     Mais le langage est aussi gelé, comme les paroles des voyageurs vers le pôle nord dans le Quart Livre  de Rabelais. Et l'actualisation d'un mot le dégèle pour le faire revivre. Quelquefois il est gelé au sens de fou, son esprit est gelé et il a cristallisé des balivernes inexplicables que nous resservons aux apprenants.

Comment Diable est-il possible qu'on puisse encore ennuyer les élèves avec l'étude du français et de la littérature ? Moi-même, enseignant la langue et la littérature, je me place dans une posture de pédant, de professeur (de proférer), d'enseignant (de insigne, 'montrer', 'faire connaître par un signe'), et j'accepte bienveillamment l'oukase presque sacré de Jules Ferry, "N'enseignez rien qu'un père de famille ne puisse dire à son enfant". Est-il bienvenu, poli, conseillé de leur dire qu'il arrive que le langage "débloque", qu'il est "siphonné" ? Est-il de bon ton de lire une page de Justine ou les infortunes de la vertu du marquis de Sade, le "sonnet du trou du cul" de Verlaine et Rimbaud, les poèmes homosexuels du recueil Hombres de Verlaine, ou d'analyser le sonnet de jeunesse de Mallarmé ("mâle armé" selon Desnos) intitulé "Une négresse par le démon secouée" ?

     Après tout, peut-être que pour le vicomte, le vit compte ?

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