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Les Carnets du vicomte

Les Carnets du vicomte

Les cours de littérature n'étant pas réservés à des jeunes gens, et mes remarques sur la langue française nécessitant d'être partagées, j'ai cru bon de les transmettre par le biais de ces carnets.


Contestons les autorités !

Publié par Le vicomte sur 26 Octobre 2010, 09:31am

 

 

  • Cela fait longtemps que je connais l’explication lexicologique (ou lexico-illogique, si je puis me permettre ce crime de lèse-majesté contre Robert et consorts), concernant l’origine du verbe abriter. Ne voyant aucune explication simple, une complexe et véritablement saugrenue a été proposée. Abriter, viendrait d’un verbe latin, apricari, signifiant être ouvert. L’idée d’être à l’abri serait initialement liée à l’exposition au soleil. Avec tout le respect que je dois aux spécialistes, j’avoue ma perplexité. Je prends des précautions, parce que je me souviens de la très sainte colère d’une très éminente médiéviste, à Jussieu, pendant ma préparation à l’agrégation (à laquelle, il est vrai j’ai échoué, ceci expliquant peut-être cela ?), à cause que1 j’avais eu l’insigne audace de remettre en cause l’explication concernant le mot bachelor. Je venais de découvrir que l’agrégation de lettres n’était pas pour tout le monde une occasion de réfléchir sur la langue et de mettre en question, voire en cause ce qui paraissait fragilement expliqué. Mais bref. C’est en consultant le glossaire de l’édition Pléiade de l’œuvre de Montaigne qu’une autre idée, pour abriter, m’est venue. Avant abrier (ancienne forme du verbe que nous connaissons), il y a le mot abre, qui est le moderne arbre, privé de son premier r vraisemblablement parce que la suite de trois consonnes (dans le mot latin arbor) était devenue difficile à prononcer (suite à la disparition du o final). Dans ce cas, ne peut-on pas envisager qu’abrier, devenu abriter, vienne du mot abre (re)devenu arbre (d’après le mot latin arbor) après la formation du verbe ? Je suis désolé de pousser plus loin mon audace, mais il me semble que cette explication nous éviterait la saugrenuité2 de l’explication sémantique précédente. Abriter, ç’aurait d’abord été 'mettre sous un arbre'.

1 Prémunissons-nous contre toute critique : cette locution existe non seulement, mais elle est autorisée de Littré, qui féraille ardemment contre les grammairiens qui l’ont voulu bannir, aidé en cela de l’éminent patronage de Pascal, dans les Pensées : « D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite point, et qu’un esprit boiteux nous irrite ? C’est à cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons, sans cela nous aurions plus de pitié que de colère. » Il est aussi utilisé de Guez de Balzac, Molière, Bossuet, La Bruyère.

2 Le mot existe, il date de 1840, inventé selon Littré par Alphonse Karr, dans Les Guêpes, pour fustiger saint-simoniens et fouriéristes.

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